Le Débarquement et la Bataille de Normandie

Le bunker souterrain du général Richter

Dans un souterrain du Mémorial, l’ancien poste de commandement du général allemand Wilhelm Richter a joué un rôle de premier plan durant les premières semaines décisives de la bataille de Normandie. Ce site historique stratégique a été entièrement revu pour livrer son histoire et offrir aux visiteurs de nouvelles clés de compréhension de l’occupation allemande et de la résistance.

L'occupation militaire se durcit

Au cours de l’été 1940, une grande partie des forces terrestres allemandes est stationnée en France. Malgré la propagande parlant d’un « occupant korrekt », les Français prennent conscience de la réalité de l’Occupation.

 

Pas moins de huit divisions s’installent en Basse-Normandie jusqu’à l’automne dans le but de participer à l’invasion de l’Angleterre. Des escadrilles de bombardiers de la Luftwaffe décollent nuit et jour de l’aérodrome de Carpiquet pour frapper les terrains d’aviation et les villes britanniques. En juin 1941, l’ouverture d’un nouveau front à l’Est entraîne le départ d’un grand nombre de divisions. Elles sont remplacées par des unités de réserve, en complément des unités de police. À partir du printemps 1942, des unités très durement éprouvées par les combats menés en URSS sont envoyées dans l’Ouest de la France pour se reposer et reconstituer leurs effectifs. En 1944, de nouvelles divisions sont envoyées en Normandie pour renforcer le dispositif défensif.

Chaque jour, le pays doit payer 500 millions de francs au titre des frais d’occupation (cinq fois le montant du coût réel). Cette somme prohibitive n’est que l’un des aspects de la mise en coupes réglées du pays par l’occupant. Les soldats allemands dévalisent les magasins en profitant du cours forcé du Reichsmark qui leur est très favorable (1 RM pour 20 FF). La politique de collaboration du maréchal Pétain se révèle être un marché de dupes. La vie est de plus en plus difficile et la répression contre les opposants, les communistes et les juifs ne cesse de s’aggraver.

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À l’intérieur des bunkers

Un tunnel de 70 mètres de longueur et de 3 mètres de hauteur est creusé dans la roche calcaire par des ouvriers de l'Organisation Todt...

 

À la fin de l’année 1942, l’Organisation Todt a créé une typologie (Regelbauten) de bunkers standardisés adaptée aux différents besoins militaires. Il existe un modèle pour chaque type d’armement ou chaque usage (casemate d’artillerie, encuvement, poste de direction de tir, casernement, soutes...). Les quantités de béton et de ferraille sont calculées dans un effort de rationalisation de la production et de calcul des coûts. Les plans diffèrent selon qu’il s’agit de réalisations propres à l’armée de l’Air (Luftwaffe), à la Marine (Kriegsmarine) ou à l’armée de Terre (Heer).

Le long du Mur de l’Atlantique, les ouvrages bétonnés sont occupés par de petites garnisons. Les espaces exigus sont aménagés de manière à pouvoir accueillir des combattants pour une longue durée. Les chambrées sont équipées de couchettes superposées et escamotables, d’armoires, de tables et de chaises. Des poêles et des parements en bois permettent de lutter contre l’humidité et le froid, tandis que des systèmes de ventilation équipés de filtres renouvellent l’air. L’alimentation électrique est fournie par le réseau public, mais des groupes électrogènes sont prévus en cas de nécessité. Les garnisons disposent de cuisines, de citernes d’eau potable, de soutes à munitions, d’infirmeries et de locaux d’intendance. Les réserves en vivres et en munitions sont suffisantes pour permettre aux points d’appui de tenir plusieurs jours.

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La 716e division d’infanterie

La 716e division d’infanterie, dont le commandant est le général Richter, est mobilisée pour la défense du littoral normand.

 

Formée en mai 1941, la 716e DI est envoyée quelques mois plus tard dans le Cotentin, dans le secteur de Coutances. Elle part ensuite en Belgique, avant de revenir en Normandie en mars 1942 pour prendre en charge la défense du littoral de l’embouchure de l’Orne à celle de la Vire. Elle vient remplacer la 323e DI en partance pour le front de l’Est. Le général Otto Matterstock commande la division jusqu’au 3 avril 1942, date à laquelle il est remplacé par le général Wilhelm Richter.

La 716e DI est une unité statique chargée exclusivement de défendre les côtes. Essentiellement hippomobile, elle possède une mobilité réduite. La division est composée de deux régiments d’infanterie dotés chacun de trois bataillons, et d’un bataillon d’artillerie. L’état-major est installé dans la villa Baumier, avenue de Bagatelle à Caen. En décembre 1943, elle compte 9 343 hommes, alors que l’effectif réglementaire d’une division d’infanterie est de 17 000 hommes.

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Le poste de commandement

En 1943, le général Richter décide de doter son unité d’un poste de commandement souterrain pour diriger les opérations en cas d’invasion.

Le site retenu est une ancienne carrière de pierre située au Nord-Ouest de Caen qui servait de champ de tir aux militaires français avant 1939. Un tunnel de 70 mètres de longueur est creusé dans la roche calcaire par des ouvriers de l’Organisation Todt. Le front de taille tournant le dos à la mer et l’épaisseur de la roche protègent l’édifice des bombardements. Les travaux sont achevés à la fin de l’année 1943. Le souterrain, qui abrite un centre de transmission, est entièrement ventilé et dispose d’un groupe électrogène et d’une citerne à eau. Les trois accès en chicane sont défendus par des meurtrières.

Des portes blindées à deux vantaux, qui ont disparu, complètent le dispositif de défense. Sur le plateau surplombant la carrière, à l’emplacement du Mémorial actuel, des champs de mines, des barbelés et des tranchées protègent les abords immédiats du site.

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La 716e division en 1944 et le Jour J

En cette année 1944, les effectifs sont réduits... Le 6 juin, le poste de commandement est en effervescence.

 

En 1944, la division ne compte plus que 7 771 hommes, essentiellement des convalescents, de jeunes recrues et des hommes âgés provenant de la levée des bans de l’arrière-garde. Comme dans la plupart des divisions statiques, chaque régiment a été amputé d’un bataillon pour combler les pertes subies à l’Est. Si les soldats ont une parfaite connaissance du secteur, beaucoup n’ont aucune expérience des combats. Richter dispose de deux régiments d’infanterie, d’un fort régiment d’artillerie, d’une compagnie antichars et de trois bataillons d’Osttruppen (auxiliaires de l’Europe de l’Est au sein de l’armée allemande). En mars 1944, l’arrivée en renfort de la 352e DI permet de réduire le secteur côtier défendu par la 716e. Mais de l’aveu même du commandant de la division, le système défensif n’est pas suffisant pour repousser un assaut massif.

Le 6 juin, à 0h40, le général Richter est informé par téléphone de la présence de parachutistes et de planeurs à l’Est de l’Orne, dans le secteur de Ranville. La batterie de Merville est prise d’assaut. Il est persuadé qu’il s’agit du début de l’invasion et met sa division en état d’alerte. Des éléments de la 21e division blindée allemande contreattaquent en direction de Bénouville. À deux heures du matin, l’aviation alliée commence à bombarder les points d’appui et les batteries côtières. Cinq heures plus tard, les premières vagues d’assaut débarquent. Les troupes anglo-canadiennes font tomber les positions tenues par la 716e division et s’infiltrent entre Bayeux et Caen. Le général Marcks, commandant le 84e corps d’armées, quitte Saint-Lô pour Caen afin d’organiser une contre-attaque depuis le PC de Richter. Une colonne blindée atteint la côte à Luc-sur-Mer dans la soirée, puis se retire, craignant d’être prise à revers. La 716e division a perdu 3 000 hommes en une seule journée. Caen, qui devait tomber aux mains des Alliés le soir même, ne sera entièrement libérée que le 19 juillet 1944, après de terribles bombardements alliés.

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L'après-guerre

L'ancien bunker aura plusieurs fonctions avant d'être réaménagé en exposition par le Mémorial.

Le poste de commandement allemand de la 716e DI est laissé à l’abandon pendant plusieurs décennies. De nombreux enfants caennais en ont fait leur terrain de jeu avant que les sapeurs-pompiers de Caen ne l’utilisent pour leurs exercices anti-incendie. En 1991, le souterrain est transformé en un premier parcours muséographique. Les vestiges des installations allemandes sont alors démantelés.

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Le site aujourd'hui

La galerie est muséographiée dans toute sa continuité, dans une ambiance sombre.

Après une introduction présentant l’intérêt historique du bunker et un plan montrant les cloisonnements d’époque, trois thèmes s’enchaînent : le Calvados sous l’Occupation, le Mur de l’Atlantique, la 716e division face au Débarquement. Chaque thématique est développée par la présentation d’un ensemble d’objets, par une vidéo et des textes de référence. L’ensemble est soutenu par un design sonore évoquant la vie dans les bunkers. Au bout de la galerie se détache le portrait d’Anne Frank, avec, en regard, un extrait de son journal daté du 6 juin 1944, pour rappeler la Shoah, qui ne cesse pas après le Débarquement, mais durera encore jusqu’à la libération des camps à partir de janvier 1945. Enfin, dans le sas de sortie, un reportage photo, réalisé par Philippe Delval, photographe d’art caennais, montre des vestiges du Mur de l’Atlantique tels qu’on peut les voir aujourd’hui sur le littoral normand. Ainsi, le visiteur découvre quelques lieux de la bataille qui, avec celle menée à l’Est, a permis de libérer l’Europe.

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