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MARSEILLE
UN AMÉRICAIN EN MISSION
L’Emergency Rescue Committee a été fondé en juillet 1940 à New York par des personnalités de divers milieux intellectuels américains, dont Eleanor Roosevelt, épouse du président des États-Unis. Le comité s’est donné pour mission d’aider des artistes, des écrivains et des savants européens menacés par le nazisme à émigrer aux États-Unis, leur talent étant susceptible d’enrichir le patrimoine intellectuel américain.
Le 14 août 1940, Varian Mackey Fry, journaliste diplômé de Harvard et recruté par le comité, abandonne sans hésiter son confort bourgeois pour débarquer à Marseille. La cité phocéenne est devenue la dernière étape pour des milliers de réfugiés fuyant le nazisme. Varian Fry est en possession d’un permis de séjour valable trois mois, d’une liste d’environ deux cents noms et de 3 000 dollars. À son arrivée, il crée une association, le Comité Américain de Secours, et s’entoure d’une équipe de collaborateurs. Des filières d’évasion se dessinent alors, comme le passage par les Pyrénées pour rejoindre l’Espagne et le Portugal, avec la promesse pour les plus chanceux d’une traversée transatlantique vers les États-Unis ou le Mexique.
LA LISTE DE VARIAN FRY
SAUVER LES ” ENNEMIS DU REICH”
Le 16 août 1940, le Centre Américain de Secours s’installe à l’hôtel Splendide au 31 du boulevard d’Athènes à Marseille, dans la chambre qu’occupe Varian Fry. Dès les premiers jours, les réfugiés affluent car la nouvelle de la création du comité d’assistance se répand comme une trainée de poudre. Aux mois d’août et septembre 1940 sont accordés un nombre élevé de visas en raison de la possibilité de franchir la frontière espagnole et de rejoindre Lisbonne. En septembre 1940, le bureau improvisé à l’hôtel Splendide ne suffit plus pour faire face à l’afflux des demandeurs. Varian Fry déplace les activités du CAS dans un petit trois pièces, au 60 de la rue Grignan. Là, une équipe d’assistants est constituée pour tenter de canaliser le flot des candidats à l’exil et pour mener les nombreux entretiens préalables au départ. À partir du mois d’octobre 1940, le CAS se structure, se dote d’un comité de patronage et développe son action humanitaire. Le 1er janvier 1941, ses bureaux déménagent dans quatre grandes pièces situées au 18, boulevard Garibaldi.
LA VILLA AIR-BEL
La villa Air-Bel se situe dans la proche banlieue de Marseille. Une bastide qui entre octobre 1940 et novembre 1941 abrite une communauté artistique, symbole d’une opposition au totalitarisme par l’art et la culture. Sous la houlette d’André Breton, les artistes et les écrivains surréalistes organisent, le plus souvent le dimanche, des fêtes et des jeux collectifs. Le Surréalisme, courant révolutionnaire né de la Première Guerre mondiale, oppose le rêve, la poésie et l’inconscient au rationalisme de la société. Ce nouvel élan porte aux nues l’amour, l’amitié et la liberté. Le Surréalisme trouve son inspiration dans diverses expériences : rêves, visions, hypnoses, écritures automatiques mais également dans le partage de créations collectives et ludiques. La période d’intense créativité à la villa Air-Bel défie par son irrévérence les valeurs imposées par le nazisme et le régime de Vichy, et s’inscrit dans une forme d’insoumission : la résistance par l’art et pour l’art.
L’EXIL AUX ETATS-UNIS
NEW-YORK ET LOS ANGELES
Lorsqu’il rentre à New York à la fin d’octobre 1941, Varian Fry n’est pas accueilli en héros. Ses critiques envers la politique américaine d’accueil des réfugiés, lui valent d’être marginalisé. Dès décembre 1942, Varian Fry tente d’alerter l’opinion publique sur le sort des Juifs en Europe. Il publie dans les colonnes de The New Republic un article intitulé “Le Massacre des Juifs“. En 1945, Varian Fry publie son témoignage sur son expérience marseillaise : “Surrender on Demand“. Sur la côte Est des États-Unis, les réfugiés, artistes, écrivains, intellectuels ou anonymes trouvent à New York un port d’attache, loin des rafles. Cette étape marque un nouveau départ mais tous portent en eux l’empreinte de l’exil et la nostalgie du vieux continent. Sur la côte Ouest, Los Angeles devient également un lieu de refuge. Des figures majeures de la culture européenne, musiciens, philosophes, cinéastes, fuyant le nazisme et l’antisémitisme, s’y installent. L’exil européen enrichit profondément la culture américaine, apportant un souffle nouveau aux arts visuels, à la littérature et au cinéma.